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moi, en voyant ce superbe instrument… Ben, alors… À quoi vous sert-il, votre piano ?

— À meubler le salon, riposte Yvonne entre haut et bas.

Les Lambert-Massin estiment que tout salon chic doit s’orner d’un piano à queue grand modèle, de six mille francs : peu importe que nul n’en joue. On n’est pas nécessairement peintre parce qu’on possède des tableaux, pourquoi aurait-on besoin d’être pianiste pour exhiber un piano ?

Irène s’adresse à Claude :

— Et vous, mademoiselle ?

Claude a un tressaillement : depuis cinq mois, depuis la mort de son père, elle n’a pas joué une fois… Ses doigts s’agitent malgré elle ; des rythmes, des sons aimés chantent dans sa tête. Machinalement, elle s’approche de l’instrument, s’assoit sur le tabouret. Ses mains s’essayent sur les touches, ses pieds manœuvrent les pédales. Elle murmure, d’une voix attentive :

— Il faudrait qu’on l’accordât… La haute est un peu faible.