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éreinté, geint toute la soirée. Si Claude, jouant dans un coin du salon avec Madeleine, élève un peu la voix, M. Lambert-Massin, excédé, la prie de se taire et fait d’amères réflexions sur l’égoïsme des gens désœuvrés qui ne savent point respecter le repos de ceux qui travaillent pour les entretenir. À l’entendre, on croirait qu’il n’existe à Paris qu’un homme occupé de dix heures du matin à midi et de deux heures à six heures du soir : et que la profession d’éditeur de bronzes religieux soit la plus exténuante au monde, sans qu’aucune autre puisse lui être comparée. La fatigue de Léon Lambert-Massin est une fatigue spéciale, particulière, déprimante, sacrée ; nul n’a le droit d’être également fatigué dans son entourage : la fatigue est le privilège unique du chef de famille qui gagne la vie des siens. Et Claude se rappelle son père toujours si gai, si dispos, après des journées et des soirées de neuf heures consécutives de musique, concert, répétitions, leçons ; où, sans répit, il jouait de ce hautbois maudit, qui lui retranchait une minute d’existence avec chaque parcelle de son souffle ; elle