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ces ; elle redouta qu’il n’apprît les calomnieux potins dont on salissait son invraisemblable et réelle innocence ; elle rougit de ce rôle d’amuseuse, d’allumeuse, que la contraignait de jouer son père, pour corser les additions des clients émerillonnés.

À cet instant, elle se tenait auprès d’Edvard avec la timidité ensorcelante des amoureuses très jeunes, et obstinément contemplait la vallée de Thorenc.

Devant ce panorama étranger, le comte Kolding, par contraste, évoquait son pays. « Il y a de la poésie dans le Strymon glacé » disait Renan sur l’Acropole, Edvard dépeignait à Fanny le sinistre Hardanger coulant entre des montagnes à pic aux parois noires, enlinceulées de brumes lugubres. Peu sensible à l’éternel été de la Riviera, comme tous les amants des glaciales splendeurs scandinaves. Edvard blâmait in petto la folie de ces paysages passionnés du Midi, en septentrional convaincu pour qui la raison de ses fjords est toujours la meilleure.

Et Fanny l’écoutait en rêvant d’une idylle.

Des bribes de conversation surprises quelques minutes la désabusèrent amèrement. Comme le groupe joyeux de leurs compagnons