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Séduite par les splendeurs formelles, elle dévêtait les hommes d’un regard d’artiste, non d’amante. Née dans le plus séduisant décor, imprégnée de beauté dès sa naissance, la double hallucination de la Mer et du Ciel qui la possédait tout entière l’avait sauvée des vilenies tapies autour d’elle, dans l’ombre.

Lorsqu’elle vit pour la première fois Edvard Kolding qui réalisait son idéal de perfection plastique, elle l’aima brusquement, passionnément, innocemment, ce Lohengrin qu’elle attendait, petite Elsa de la Côte d’Azur, dès l’aube de son adolescence, le héros qui hantait les rêves de sa puberté fiévreuse, celui pour lequel elle se réservait depuis douze ou treize ans que, devenue femme, elle déplorait sa jeunesse stérile partagée entre le mépris des réalisations vulgaires et la tristesse du Songe qui se dérobe.

À l’élan irraisonné qui l’avait jetée, sans résistance, dans les bras du jeune homme, succéda soudain une émotion chaste et contenue lorsqu’elle se retrouva face à face avec lui. Transie d’une clairvoyance craintive, elle déplora tout le médiocre des modalités de leur rencontre avec tout le vulgaire des contingen-