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la précision téméraire d’une bête mécanique actionnée par une volonté féminine.

Edvard se laissait emporter avec délices, perdant conscience de la réalité ; il s’imaginait, identifié à cette chose roulante, sombrer dans le flou vertige envahisseur où s’engloutissent les éthéromanes…

Soudain il se réveille. On descendait de voiture.

Edvard se sentait les jambes ankylosées : à l’écart de ses compagnons, il s’assit sur un fragment de roc. Fanny vint l’y rejoindre. Elle rayonnait ; désignant le décor d’un geste circulaire, elle s’écria avec enthousiasme :

— Regardez : est-ce beau !… Est-ce beau !

— My mind looks elsenhere, mon esprit regarde ailleurs, répondit-il.

C’était galant, c’était vrai, et pourtant le spectacle de cette nature immense, impénétrable et fière — ô Berlioz ! — méritait l’admiration.

Ils dominaient la haute vallée des Thorencs. Autour d’eux la neige des Alpes évoquait la rigueur des hivers, cependant qu’à leurs pieds l’anormal contraste d’un cirque de verdure, entre les sombres murailles d’une forêt de sa-