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les bras d’un juif résolûment francfortois une Algérienne probablement mâtinée d’Andalouse, M. Thulette, baptisé comme il sied, se proclamait Monégasque, reniement éthorique dont l’impudence faisait s’entrechoquer dans leur tombe, du moins, un croquemort nous l’affirma sous la foi du serment, les ossements du papa Salomon qui, toute sa vie, avait méprisé quiconque n’était pas « ääch » de Francfort, la première ville (« uff der Welt) du monde.

Bien que venu vers les hommes des grandes villes sans pécune, sans bacho, sans profession, il n’avait ressenti nulle frayeur à considérer les zéros qui formaient la somme de son existence, comptant sur son ingéniosité naturelle pour savoir inscrire à leur gauche un chiffre coquet. Son auto-confiance ne fut pas trompée.

« Il y a deux manières de se pousser dans le monde », explique Vautrin à son protégé : « y pénétrer comme un boulet ou s’y glisser comme une peste. » Sans ressembler à Rastignac, le sieur Thulette n’hésita pas sur le choix des moyens : il fut à la fois peste et boulet. Pauvre comme Job (avant l’invention du papier à cigarettes), ce gaillard n’en résolut pas moins, cuirassé d’impavide aplomb, de cons-