Page:Marais - La Virginite de Mademoiselle Thulette.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas plus frelatés, plus spéciaux. Ou, plutôt, ces appas le recherchaient et il les laissait faire.

Comme le conférencier (Dieu garde ses auditeurs !) se jette dans de vastes périodes oratoires, pour peu qu’il soit bègue, Edvard, incurablement timoré, cachait son innocent malaise dans les dessous rassurants des femmes les plus expertes en amour. Il ne sortait pas — sauf pour y rentrer — des courtisanes authentiques et des grues en vogue. Elles osaient pour lui. On goûte mieux le fruit cueilli sans peine, croyait-il (à tort).

Son respect, soumis sans discussions aux ordres de la comtesse Kolding, sa mère, l’avait obligé d’accepter des fiançailles où son cœur ne le poussait pas, ni ses sens. D’ailleurs, il serait volontiers devenu amoureux de Mlle de Tresme. Tant qu’il jouait, garçonnet sage, avec cette innocente blondine aux longues nattes, aux yeux purs de toute coquetterie, il envisageait sans nul déplaisir la perspective imprécise et lointaine d’entrer en sa compagnie au lit conjugal ; mais, dès l’instant où il dut commencer sa cour, il ne ressentit plus, réfrigéré devant cette vierge d’aspect incombustible, qu’une gêne presque craintive. En proie aux