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Tremblante, le cœur en émoi, Fanny s’empressa d’aller rejoindre son père. Elle traversa rapidement le grand hall baigné de soleil où s’ennuyait la flânerie d’élégants voyageurs qu’avait prévus l’Arioste — ozio lungo cd’uomini ignoranti — poussa d’une main fiévreuse la porte du cabinet directorial…

M. Thulette y plastronnait, roidi dans une attitude dont la solennité s’évertuait à la distinction, étudiant ses effets de dignité paternelle, la jambe tendue, l’œil attendri. Pour faire les honneurs de son bureau à la comtesse Kolding et à ses deux enfants, il contait avec onction qu’il avait vu autrefois, à Honeffe, la vieille reine Sophie de Norvège… « Oui, madame la comtesse, on poussait Sa Majesté dans une petite voiture et Elle m’a fait plusieurs fois l’honneur de m’adresser la parole… »

À voir ce tableau de famille, Fanny comprit sa victoire. Suffoquée de bonheur, les jambes vacillantes, brisée par un mal délicieux, elle faillit jouer au naturel « La joie fait peur » et serait tombée si Edvard ne s’était élancé pour soutenir sa fiancée chancelante.

Alors, blottie sur la poitrine du jeune comte