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de Saint-Preux, les sens, tout comme le cœur, manifestaient des exigences.

Les propos de Bergeron s’étaient incrustés dans son esprit. Attribuant le revirement tardif du philosophe à un mouvement de pitié prête au mensonge charitable, Fanny se représentait avec désolation un Edvard vexé, désabusé, rancuneux — d’abord, qu’elle eût mis un tiers dans le complot, ensuite qu’elle eût joué son fiancé avec tant d’astuce.

Tout comme le parrain de Mlle de Tresmes, Fanny estimait que l’amour-propre tue l’amour.

Et puis, dépouillée par un génie maléfique de son luxurieux prestige, brusquement dédaignée, elle supposait que le comte Kolding, désenchanté par ces révélations, avait dû opposer à l’endoctrinement maternel une moindre résistance.

S’indigner du rôle perfide joué par Bergeron, elle n’y songeait même pas. Âme résignée depuis longtemps aux vilenies masculines, elle s’inclinait avec fatalisme.

Elle soupira seulement : « Maintenant, je vais être toute seule… Je resterai toute seule au monde ! »