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contre l’éclat de leurs rires faux, le papillonnement de leurs coquetteries vénales, la servilité du tzigane à face de musaraigne qui, son violon à la main, circulait cauteleusement à travers les tables pour débiter aux snobs ses valses patelines…

Mademoiselle Thulette reconnut des habitués : la vieille princesse Nitchevo, squelette aux pommettes kalmouckes, bien connue dans les rues de Garavan où chaque soir, à la nuit tombante, sa maigreur inassouvie raccrochait des pouilleux d’attaque. Pour le moment, elle vidait à petits coups une bouteille de vodka, sans répondre aux œillades quémandeuses de sa dame-de-compagnie-parente-pauvre-amie-d’enfance ; « Pis-Aller » (comme on l’appelle) pour se consoler de cette indifférence, remplissait de rhum et de thé bouillant, par parties égales, son haut verre russe emprisonné dans un réseau d’or émaillé…

Solitaire, comme toujours, hautaine et sombre, la marchesa Vana — celle qui servit de modèle à d’Annunzio pour l’héroïne de Forse che si, forse che no — poissait de maraschino, après en avoir saupoudré de poivre la gluante douceur, un gobelet de Venise, aux formes