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tais qu’à demi : tout à l’heure j’allais retrouver les flirteurs et je les gronderais pour la forme. Mais, lorsque à quatre heures du matin fourbue, harassée, je me résignai à remonter dans ma chambre, j’eus la stupeur d’y voir Thérèse, et dans quel état, grand Dieu !… Mon cher ami, la pauvre petite était grise. On avait dû la faire souper au champagne, et comme c’était la première fois de son existence… Elle s’était couchée sur mon lit, toute habillée, elle s’endormait en fredonnant Santa Lucia ; j’eus beau la secouer pour lui arracher quelques explications, je ne pus obtenir d’elle que des mots inarticulés… Je vous assure que, pour une mère, c’est une émotion bien pénible ! Bref, l’indisposition de Thérèse m’humilia tellement que je la déshabillais et la soignais moi-même sans oser sonner sa femme de chambre.

Ce matin, j’ai voulu m’expliquer avec Thérèse à présent qu’elle a recouvré sa lucidité. Et voici où commence le mystère… Dès que j’eus prononcé le nom d’Edvard, ma fille m’interrompit avec véhémence : « Ne me parlez plus jamais de cet homme, maman, je vous en supplie !… Et ne me demandez rien ». Comme j’insistais, elle s’est échappée et a couru s’en-