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Ne montrerait-on pas une révoltante injustice en laissant peser une suspicion d’immoralité sur ces vieilles filles toutes spéciales sous prétexte que leur apparence n’offre point la laideur et les ridicules d’une virginité coriace ?

Dès aujourd’hui, et demain encore, de par la fatalité de la guerre, vingt fiancées se présenteront pour un mari. Or, ces dix-neuf laissées pour compte peuvent être charmantes, gracieuses… et chastes, oui, chastes, bien qu’elles soupirent comme les pèlerins d’Emmaüs : « Mon cœur est chaud en dedans de moi. »

La femme — sous notre latitude, du moins — la femme Anglaise ou Française, la Septentrionale est rarement une bête sensuelle. Elle s’accommode de vivre dans la continence. Plus sentimentale que matérielle, elle ne devient voluptueuse qu’après avoir connu l’amour.

Le nombre des vierges sages, quoique belles et adultes, est plus nombreux que ne le suppose la malice des hommes entraînés à juger notre sexe d’après leur tempérament : ils croient à la vertu des laides qui ne les tentent point, mais ils nient la frigidité de celles qui allument leurs sens. Et pourtant, j’en connais, moi, des beautés aux yeux troublants, restées