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ils ne l’ont jamais entendue parler comme elle me parle à moi. »

Attisée par ces réflexions, la passion du comte Kolding s’échauffait jusqu’à l’incandescence. Manifestement, Fanny exerçait sur cet inflammable Norvégien un prestige analogue à celui des actrices — à cette différence près qu’une théâtreuse n’aime jamais un homme, mais un public. Il se glorifiait (ô jeunesse), d’être aimé d’une femme vers qui convergeaient les mille regards, les mille désirs de la foule. Il se disait : « Elle a excité l’universelle convoitise et pourtant nul n’a jamais touché le cœur de cette indifférente qui passait au milieu des adulations sans entendre « le murmure d’amour élevé sous ses pas ».

Impatient de réaliser son rêve, l’amoureux résolut de pousser Fanny à un engagement décisif. Et il crut habile de répondre, avec une froideur démentie par des battements de cœur qu’aurait perçus le plus mal construit des stéthoscopes :

— Ma chère Fanny, je ne vous comprends guère… Qui, de nous deux, aurait sujet d’adresser des reproches à l’autre ?… Vous ne pouvez, sérieusement, prendre ombrage d’une fillette