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guement y contempla ses lèvres petites mais charnues, gonflées d’un sang pur qui les colorait de rose vif sous le carmin factice du bâton de raisin. Méditant le pouvoir de volupté que possédait cette bouche inconsciente, elle approcha son poignet de ses lèvres, d’un mouvement impulsif, curieux, ingénu, pour expérimenter sur elle-même les caresses minutieusement décrites par ce Guide indou, avec une érudition indoubitable.

Pauvre Fanny ! Décidée à faire triompher son amour, avec quelle ferveur elle se plongeait dans des chapitres dont elle osait à peine lire le titre. Avec quelle conscience elle étudiait les raffinements des divers modes opératoires, soutenue par une foi candide que ne rebutaient point la lascivité de ces tableaux dont son esprit emmagasinait les descriptions obscènes, méthodiquement.

À la fin de sa lecture, Fanny poussa un gros soupir découragé : malgré les enseignements d’une théorie si précise, elle sentait trop ce que les cacographes nommait l’ « indispensabilité » de la pratique en ces délicates matières. « Hélas ! s’avoua-t-elle dépitée, je suis comme ces gens qui s’efforcent de parler une langue étran-