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— Ça s’opère, une tumeur.

Laurence frissonna, un peu effrayée. Elle répliqua timidement :

— Le docteur m’en a parlé un jour. Il disait qu’il y avait quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour que cela ne réussît point ; et, qu’en cas contraire, ce serait retarder l’échéance fatale sans pouvoir l’éviter : un cancer repullule toujours, paraît-il… Bref, le docteur n’est pas partisan de l’opération.

Jack Warton dit froidement :

— Effectivement, il a raison : suivez ses conseils… Je ne suis pas votre médecin. Ma situation m’impose une réserve scrupuleuse.

Mais, tout à coup, il éclata, emporté par sa passion scientifique :

Eh bien ! croyez-vous que je sois partisan de sa méthode, moi ? Évidemment, ce docteur est humain : estimant votre mère perdue, il atténue ses souffrances… Mais comment l’a-t-il traitée jusqu’à présent ?… Par l’opium, rien que par l’opium. L’opium est un calmant, ce n’est pas un traitement. Doit-on renoncer à soigner un mourant et le laisser mourir, sous prétexte qu’il se meurt ? Vous êtes là, éperdue de chagrin ; je suis médecin, et je ne penserais pas qu’il faut tout essayer pour tâche de sauver même un être inguérissable ?

Il poursuivit avec énergie, réfutant chaque argument :

— Eh ! oui, le cancer est incurable… Mais si vous la voyiez revivre, si nous lui gagnions un an, deux ans d’existence, ne payeriez-vous pas ces deux années de votre sang ?… Oui, sur cent opérés, un ou deux seulement se Souvent guéris. Et vous la priveriez de tenter ces deux chances ? Qu’avez-vous à perdre d’une part, si on la laisse livrée à elle-même, votre