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avant qu’elle eût recouvré sa présence d’esprit était le meilleur moyen d’obtenir la vérité. Il demanda, la voix gouailleuse :

— Eh bien ! Ça va mieux, mam’zelle ?… Mam’zelle… qui ?

— Bessie Arnott, répondit machinalement l’interpellée, encore engourdie.

Elle se frotta les paupières avec un geste adorable de grâce enfantine ; puis, remarquant l’étrange décor, reconnaissant l’aviateur, elle se souvint brusquement de tout et ses joues s’empourprèrent. François d’Hersac, très troublé à présent, ne songeait plus à l’interroger ; trop ému, trop perplexe, devant cette délicieuse aventure qui lui tombait du ciel, — à la lettre ; — et il pensait : « Où m’avait-elle déjà rencontré… puisqu’elle vient ici pour moi ? », tandis qu’il s’attardait à détailler la séduction de cette blondine court-bouclée qui évoquait, ainsi que beaucoup de ses compatriotes, le type ingénu, délicat, aristocratique et mignard des pastels du XVIIIe siècle dont sa carnation offrait le ravissant coloris de tons nacrés et rosés.

Ce fut l’aviateur qui renoua l’entretien en exigeant l’explication à laquelle il avait droit. Bessie Arnott ne fit aucune difficulté pour se confesser avec une entière franchise : jalouse de son fiancé, dépitée de ne pouvoir le suivre en France, elle avait eu la folle inspiration d’abuser de sa ressemblance frappante avec son frère jumeau Teddy pour se substituer à lui. Bessie n’était pas fille à reculer devant la pire extravagance : la veille du