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d’étonnement :

— Vous ne vous en doutez pas, monsieur ?… Mon nom ne vous dit rien ?

L’homme d’affaires ébaucha un geste d’ignorance feinte en affectant de relire la carte posée sur son bureau.

Laurence observa d’un ton méprisant :

— On sent cependant, à votre réception, que vous vous savez en face d’un débiteur… insolvable.

Me Thoyer dit négligemment :

— Oh ! j’ai tant de créances à recouvrer, depuis la guerre… Je crois me souvenir, en effet, que Mme la marquise d’Hersac est mentionnée parmi ceux contre qui j’exerce des poursuites…

Laurence s’écria :

— Il est impossible, monsieur, que vous assimiliez maman à un débiteur de mauvaise foi : je constate que vous nous ignorez complètement… Si vous connaissiez notre situation telle qu’elle est, j’ose espérer que vous n’eussiez pas employé ces procédés… Laissez-moi vous fournir des explications.

Thoyer se taisait, attendant. Laurence reprit d’une voix affermie, s’efforçant de résumer les faits sans détails prolixes :

— Ma mère est veuve. Elle a deux enfants : mon frère François, actuellement mobilisé, et moi. Sa fortune est uniquement placée en terres : un domaine dans les Basses-Pyrénées et un immeuble de rapport à Paris dont nous habitons le premier étage ; les trois autres sont loués. L’ensemble de ces biens lui donnait un revenu total — net — de douze mille