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il est vrai, de l’amitié vulgaire, est assez froid là-dessus : la raison prescrit bien de risquer sa vie pour son ami (xxxiii, 3) ; mais pour lui donner de l’argent ou lui procurer le titre de citoyen romain, le philosophe, qui est sans argent et sans crédit, devra se consoler de ne pouvoir lui rendre ces services ; son ami ne peut pas exiger de lui qu’il cesse d’être réservé, sûr, magnanime (xxiv, 3).

Épictète peut paraître avoir adouci la rigueur stoïcienne sur un certain point. Suivant les stoïciens, le sage n’aura pas d’indulgence, parce que les hommes sont responsables de leurs vices ; il ne modérera pas les châtiments prescrits par les lois, parce que ces châtiments sont justes[1]. Épictète recommande partout de supporter sans s’irriter les vices d’autrui. L’homme vicieux se trompe, et on n’est jamais volontairement dans l’erreur ; montrez-lui clairement qu’il se trompe, et il agira autrement ; jusque-là on ne doit pas plus s’irriter de ce qu’il est vicieux, qu’on ne s’irrite de ce qu’un homme est sourd ou aveugle[2]. Tu es au bain ; on te pousse, on te vole ; c’est ce qui y arrive d’ordinaire (iv) ; quelqu’un dit du mal de toi : c’est son opinion ; et en se trompant il ne nuit qu’à

  1. Stobée, II, 190. Diogène, VII, 123.
  2. Épictète, Discours I, 18, 1-7 ; 28, 1-10 ; II, 26 ; III, 3, 2 ; III, 7, 15.