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qui gouverne tout, la destinée qui conduit tout[1], le monde, κόσμος[2], et il lui donne, comme eux, le nom populaire de Jupiter, Ζεύς. Ce panthéisme, où la personnalité divine s’évanouit, se conciliait très-bien avec un polythéisme qui reconnait d’autres dieux subordonnés[3], parties du Dieu suprême, comme les astres, les éléments et en général tout ce qui dans la nature est avantageux à l’homme. Aussi Épictète, en parlant de la divinité, passe-t-il sans cesse du singulier au pluriel et du pluriel au singulier, sans que l’idée change sensiblement. Il y a corrélation entre la divinité et nous, et nous avons des offices à remplir à l’égard de Jupiter[4]. Le fond de la piété (εὐσέβεια) ou science du culte des dieux, c’est de porter sur eux des jugements droits, c’est de juger qu’ils gouvernent toutes choses avec sagesse et avec justice et de se soumettre de bonne grâce à tout ce qu’ils ordonnent[5]. La piété est fondée sur l’intérêt, l’utile (συμφέρον) ; car tout être animé est porté naturellement à rechercher ce qui lui est utile et à éviter ce qui lui est nuisible, à aimer celui qu’il considère comme la cause de son bien, à haïr celui qu’il considère comme la cause

  1. Stobée, Eclogæ physicæ, I, 180.
  2. Épictète, Fragment 136.
  3. Épictète Discours II, 17, 25 ; III, 13, 4 ; IV, 12, 11.
  4. Epictète, Discours I, 22, 15.
  5. Manuel, xxxi, 1.