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pendent de nous[1]. Ce qui dépend de nous est à nous (ἡμέτερον), nous est propre (ἴδιον) ; ce qui ne dépend pas de nous est à autrui (ἀλλότριον)[2].

Ce qui ne dépend pas de nous est neutre (ἀδιάφορον), c’est-à-dire n’est ni bon ni mauvais. Ce qui est neutre ou bien ne contribue en rien au bonheur ou au malheur, comme la richesse, la réputation, la santé, la force, ou bien ne met pas en jeu nos tendances, comme d’étendre ou de ne pas étendre le doigt, de ramasser un fétu ou une feuille[3]. Cette seconde classe de choses neutres est véritablement indifférente, au sens où nous prenons ce mot en français. Si la première l’eût été également, il devenait impossible d’agir en une foule de circonstances ; on n’aurait pas eu de raison de se décider dans un sens plutôt que dans l’autre, par exemple de soigner un malade plutôt que de ne pas le soigner. Aussi les stoïciens, tout en maintenant qu’il n’y a de bon que la vertu, de mauvais que le vice, étaient-ils obligés de reconnaître entre les choses neutres de la première classe des différences de valeur (ἀξία) et de non-valeur (ἀπαξία)[4]. Ils ne voulaient pas dire que les choses qui ont de la valeur fussent bonnes (ἀγαθά),

  1. Manuel, i, 1. Discours I, 22, 10.
  2. Manuel, i, 2, 3.
  3. Diogène, VII, 104. Stobée, II, 142.
  4. Diogène, VII, 105-106. Stobée, II, 142.