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vainqueurs que ceux qui sont vainqueurs en effet ! Et ainsi rien ne te troublera. Surtout, abstiens-toi complètement des acclamations, des éclats de rire et de toute espèce de transport. Après avoir quitté le théâtre, ne te répands pas en discours sur ce que tu as vu, racontant des choses qui n’ont servi de rien pour te rendre meilleur. Ne fais pas voir aux autres que tu as de l’admiration pour un spectacle.

11. Ne sois ni prompt ni facile à te rendre aux lectures publiques. Si tu y vas, sois-y grave et calme et ne fais point mauvais visage.

12. Si tu as une affaire à traiter avec quelqu’un, avec un homme éminent surtout, rappelle-toi ce qu’aurait fait à ta place Socrate ou Zénon ; et tu ne seras point embarrassé pour faire ce qu’exigeront les circonstances.

13. Quand tu vas chez un homme puissant, mets-toi dans l’esprit que peut-être tu ne le rencontreras pas, où que tu trouveras sa porte close, ou qu’on refermera la porte sur toi, ou qu’il ne te recevra qu’avec mépris. Si cependant ton devoir t’oblige d’y aller, vas-y et supporte ce qui t’arrivera et ne dis pas en toi-même : « Ce n’était guère la peine d’en affronter autant. » Ce propos est d’un homme vulgaire, d’un homme trop sensible aux choses extérieures.

14. Dans tes conversations, ne parle pas complaisamment et à tout propos des actions que tu as faites et des dangers que tu as courus : car si tu prends plaisir à les raconter, ne crois pas qu’il soit également agréable aux autres de les entendre.

15. Garde-toi bien aussi de chercher à faire rire. C’est une pente glissante par où l’on tombe aisément dans une vulgarité qui nous enlève le respect d’autrui.

16. Il est encore périlleux de se laisser aller aux propos obscènes. Si tu tombes sur un parleur de cette espèce, et que l’occasion soit favorable, reprends-le vivement. Sinon, que


vainqueurs...? Il semble encore assez clairement que ce soit là la pensée du stoïcisme. Il faut cependant ajouter que le stoïcien a plus d’indifférence que de sympathie pour ceux que la fortune a servis.