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iv

eut une certaine célébrité : car, à sa mort, un opulent ami de la philosophie la paya trois mille drachmes.

Disciple de Musonius Rufus, dont Tacite parle avec tant d’éloges, et sans doute aussi d’Euphrate, dont il vante lui-même l’éloquence, Épictète avait, à son tour, enseigné la philosophie dans Rome ; il avait formé des disciples[1]. Il n’a rien écrit par lui-même ; mais son élève Arrien nous rapporte, avec les marques de la fidélité la plus scrupuleuse, ses discours et ses maximes : Sans doute il les prenait sur le vif, et les rédigeait au sortir même de ses entretiens ou de ses leçons, conservant le style et le ton du maître[2]. C’est ainsi, c’est grâce au récit et à l’exposition d’Arrien qu’Épictète a pu se survivre à lui-même dans les quatre livres parvenus jusqu’à nous des EntretiensDiscours, et dans l’EnchiridionManuel.

II. Philosophie d’Épictète.

Épictète parlait grec, même à Rome, et c’est en grec que nous sont rapportées toutes ses maximes. Le fait vaut la peine d’être relevé. Le stoïcisme avait eu à Rome d’illustres interprètes qui l’avaient exposé en latin : Cicéron, dans son livre De Natura Deorum, et surtout dans le De Officiis ; Sénèque, dans ses divers écrits. Ces deux hommes s’adressaient donc (et de là le caractère un peu aristocratique de leur enseignement) aux vrais Romains, aux conquérants du monde, c’est-à-dire à une élite de moins en moins nombreuse. « Le latin est enfermé dans d’étroites limites ; le grec est répandu partout, » disait déjà Cicéron[3]. Qu’était-ce donc un siècle plus tard ? Le monde grec et le monde oriental refluaient sur l’Italie ; et dans Rome même, si l’on

  1. Marc-Aurèle n’a vraisemblablement pas pu l’entendre, comme on l’a quelquefois avancé. Il connaissait sa doctrine, mais par les enseignements de Rusticus, son disciple, et surtout par les livres d’Arrien.
  2. Dans plusieurs auteurs, particulièrement dans Stobée, se trouvent beaucoup de sentences d’Épictète qui ne sont pas dans Arrien.
  3. Dans le Pro Archia.