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III.

Quelles que soient les choses qui te charment, qui servent à tes besoins ou que tu aimes, connais-en bien la nature, à commencer par les plus humbles. Si tu aimes un pot de terre, dis-toi : « J’aime un pot de terre, » car s’il se casse, tu n’en seras pas troublé. Si tu embrasses ton fils ou ta femme, dis-toi que c’est un être humain que tu embrasses, car, s’il meurt, tu n’en seras pas troublé. 1

IV.

Avant d’entreprendre quoi que ce soit, pense bien à ce que tu vas faire. Si tu veux aller aux bains, représente-toi d’avance tout ce qui s’y passe : représente-toi les gens qui vous jettent de l’eau, ceux qui vous poussent, ceux qui vous insultent, ceux qui vous volent. Ainsi tu seras plus assuré dans ton action, si dès le principe tu t’es dit : « Je veux me baigner, mais je veux maintenir ma volonté en conformité avec la nature. » Et qu’il en soit ainsi pour tout ce que tu feras. De cette manière, si quelque obstacle t’empêche de te baigner, tu te diras aussitôt : « Ce n’est pas là seulement ce que je voulais ; je voulais aussi conserver ma volonté en conformité avec la nature, et je ne la conserverais point telle, si je m’indignais contre ce qui m’arrive2, »

V.

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses elles-mêmes, mais les opinions qu’ils se font d’elles. Ainsi la mort n’est pas un mal : elle n’a point paru telle à Socrate. Mais l’idée que nous nous faisons que la mort est un mal, voilà le mal véritable. Lors donc que nous sommes traversés, troublés ou affligés, n’accusons personne que nous


nous la fait considérer comme le but de notre vie (gagner de l’argent, conquérir une dignité, par exemple), alors qu’elle ne devrait être qu’un moyen, un moyen comme un autre, et qui souvent voudrait être échangé contre un autre.