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Un rayon d’espérance. La Bonne Nouvelle seule eût pu le faire tomber sur Épictète.

III. Analyse du Manuel d’Epictète.

Le Manuel est comme un abrégé des Discours ou Entre- tiens d’Épictète, du moins sur tout ce qui touche à la mo- rale pratique du stoïcisme. Ainsi, dans la littérature mo- derne, on a souvent recueilli, sous le titre de Pensées, des passages pris çà et là dans les divers ouvrages de tel philo- sophe, de tel moraliste ou de tel littérateur. Il ne faut donc point chercher ici (moins encore que dans les Discours) l’ex- position suivie d’un système. Le Manuel renferme même bien des maximes dont le vrai sens risquerait d’être mal compris, si on ne les éclairait par des comparaisons avec les autres écrits du même auteur, ainsi que nous avons essayé de le faire dans cette Introduction et dans les notes.

Le Manuel comprend cinquante-trois chapitres, renfer- mant tantôt une seule, tantôt plusieurs maximes. Ces cha- pitres se succèdent sans beaucoup d’ordre et ne présentent aucune exposition systématique ni même suivie.

En voici les pensées les plus saillantes :

D’abord la distinction des choses qui dépendent de nous et de celles qui ne dépendent pas de nous ; un philosophe moderne dirait, des biens intérieurs et des biens exté- rieurs(r). Cette distinction, Épictète la tourne et la retourne, pour ainsi dire, en tous les sens. La méconnaître, c’est s’ex- poser à devenir impie (I), ridicule (I, VI, XLIV), malheureux (I, II, III, XIV), esclave des hommes comme des cir- constances (I, XIV, XXVIII), esclave aussi de l’opinion ; or, ce qui fait qu’une chose trouble ou afflige, ce n’est pas sa na ture propre, c’est l’opinion qu’on s’en fait (V, XVI,XXVI).

D’heureuses applications sont faites de cette distinction fondamentale, quand le stoïcien recommande de ne don- ner aucune prise sur soi ni aux hommes qui paraissent plus heureux et plus puissants, et dont il faudrait acheter les fa- veurs par des bassesses (XIX, XX, XXV), ni à la multitude, dont il faut savoir, à l’occasion, dédaigner les jugements irréfléchis (XIII, XXII, XXIV), ni au devin, qui ne peut que nous présager et nous annoncer des choses indifférentes au vrai bonheur (XVII, XXXII), ni enfin à ses propres passions,