Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.
25
manuel d’épictète

tu manques ton entreprise[1]. Qu’il te suffise donc en toute chose d’être philosophe. Et si tu veux le paraître, parais-le à toi-même : c’est en ton pouvoir[2].


XXIV

s’attacher à ce qui dépend de nous, c’est être vraiment utile à nous-même et aux autres, à nos amis, à la patrie.


I. Que ces pensées ne t’affligent point : « Je vivrai sans honneur, comme un homme de rien ». Car si le déshonneur est un mal, tu ne peux tomber par le pouvoir d’autrui dans rien de mauvais ni de honteux. Est-ce donc ton fait d’obtenir une dignité ou d’être reçu dans un banquet ? Nullement. En quoi donc est-ce un déshonneur ? Et comment seras-tu un homme de rien ? n’est-ce donc pas seulement dans les choses qui dépendent de toi que tu dois te montrer quelqu’un ? et là, ne peux-tu pas acquérir le plus grand prix ?

II. — Mais mes amis resteront sans secours. — Que dis-tu, sans secours ? Ils ne recevront pas de toi un peu d’argent, et tu n’en feras pas des citoyens romains ? Et qui t’a dit que ces choses sont parmi celles qui dépendent de nous, non parmi les œuvres qui nous sont étrangères ? Puis, qui peut donner à un autre ce qu’il n’a pas lui-même[3] ?

III. — Amasse-donc, dis-tu, afin que nous possédions, nous aussi. — Si je puis amasser la richesse tout en me conservant plein de pudeur, et de foi, et de ma-

  1. Cette entreprise, c’est la recherche de la liberté et de la sagesse.
  2. Perse, i, 70 :

    Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter !
    At pulchrum est digito monstrari et diceri : Hic est !

  3. Voir, dans les Éclaircissements, le chapitre d’Épictète sur l’amitié et les véritables amis.