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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

de quoi vivre ; si je ne châtie pas mon esclave, il sera méchant. Car il vaut mieux mourir de faim en restant exempt de tristesse et de crainte, que de vivre dans l’abondance, l’âme troublée ; et il vaut mieux que ton esclave soit méchant, que toi malheureux[1].

II. Commence donc par les petites choses. Ta petite provision d’huile est répandue ? on t’a pris ta piquette ? dis-toi : « À ce prix s’achète l’impassibilité, à ce prix l’imperturbabilité : on n’a rien pour rien. » Et lorsque tu appelles ton esclave, pense en toi-même : « Il peut ne pas entendre, ou, ayant entendu, ne rien faire de ce que je veux ; mais il n’aura pas cet avantage, que le calme de mon âme soit en sa dépendance. »


XIII

paraître et être.


Veux-tu avancer dans la sagesse, souffre, à l’égard des choses extérieures, de passer pour fou et imbécile[2]. Consens à paraître ne rien savoir ; et si quelques-uns te remarquent, défie-toi de toi-même. Sache qu’il n’est pas facile de garder à la fois et ton libre-arbitre conforme à la nature et les biens du dehors ; mais il est de toute nécessité, si tu t’occupes d’une de ces choses, que tu négliges l’autre[3].


    que la maxime xvii, dans l’entretien avec de Saci. — Cf. Sénèque, ad Marc., 10 : Quidquid est hoc, quod circa nos ex adventitio fulget, liberi, honores, opes… alieni commodatique apparatus sunt. Nihil horum dono datur : collatitiis et ad dominos redituris instrumentis scena adornatur.

  1. Voir dans les Éclaircissements le passage où Épictète raconte qu’on lui a volé sa lampe de fer.
  2. Voir les Éclaircissements : « Pardonnez-moi, comme aux amoureux ; je ne m’appartiens plus, je suis fou ! » dit Épictète avec un enthousiasme mêlé d’ironie.
  3. Cette pensée est le commentaire de la parole de Socrate : « Il faut