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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

XI

perdre et rendre.


Sur quoi que ce soit, ne dis jamais : J’ai perdu cela ; mais : Je l’ai rendu. Ton fils est mort ? tu l’as rendu. Ta femme est morte ? tu l’as rendue[1]. — On m’a pris ma terre. — Encore une chose que tu as rendue. — Mais c’est un méchant qui me l’a prise. — Que t’importe par qui celui qui te l’a donnée te l’a redemandée ? Tant qu’il te la laisse, uses-en comme d’une chose étrangère, comme usent d’une hôtellerie ceux qui passent[2].


XII

le renoncement à toutes les choses extérieures est le prix dont s’achète le bonheur.


I. Veux-tu avancer dans la sagesse, laisse ces raisonnements : « Si je néglige mes biens, je n’aurai pas

    faite, comme une faculté innée, il le fera, il le créera lui-même : nous ne recevons pas d’ailleurs le courage, la patience, nous les faisons nous-mêmes, en voulant : Quid tibi opus est ut sis bonus ? velle. (Sénèque, Épist. 80.)

  1. C’est presque la parole de Job : Dominus dedit, dominus abstulit. — Ce qui était, chez l’élu de Jéhovah, soumission aux décrets arbitraires et insondables de son Dieu et Maître, est chez le philosophe résignation libre aux lois rationnelles et nécessaires de la nature, qu’il comprend et qu’il aime. Nihil indignetur sibi accidere, dit Sénèque (epist. 74) ; sciatque illa ipsa quibus lædi videtur ad conservationem universi pertinere, et ex his esse quæ cursum mundiofficiumque consummant. — Et ailleurs : Non pareo Deo, sed assentior. Ex animo illum, non quia necesse est, sequor (epist. 96).
  2. Cette pensée, qui avait frappé Pascal, est citée par lui, ainsi