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VIE D’ÉPICTÈTE.

autre[1]. » Aussi, lorsqu’un jour Épaphrodite s’amusa à tordre la jambe de son esclave avec un instrument de torture : « Vous allez me la casser », dit Épictète. Le maître continua ; la jambe se cassa ; Épictète reprit tranquillement : « Je vous l’avais bien dit[2]. »

On le voit, Épictète fut tout d’abord, par la force des choses, un pratiquant ; il réalisa dans sa vie même la division de la philosophie qu’il donne dans le Manuel : — Apercevoir d’abord le bien par une sorte d’intuition spontanée, et l’accomplir ; puis, plus tard, par le raisonnement, démontrer pourquoi c’est le bien. La philosophie, apprise par lui au sein même de l’esclavage et de la misère, est pour lui l’affranchissement moral, la délivrance. « Ne dis pas : Je fais de la philosophie ; ce serait prétentieux ; dis : Je m’affranchis. »

Libre moralement, Épictète le devint plus tard civilement. Une fois qu’il eut devant le préteur « fait ce tour sur soi-même » qui d’après les mœurs romaines transformait l’esclave en citoyen, il vécut à Rome dans une petite maison délabrée, sans porte, ayant pour tous meubles une table, une paillasse et une lampe de fer, qu’il remplaça, lorsqu’elle lui eut

  1. Entretiens, I, ix.
  2. Orig. c. Cels., vii, c. 7. — V. Entretiens, xii ; xix.