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L
ÉTUDE

en quoi d’ailleurs ils ne se sont pas trompés ; il y a là, en effet, un risque à courir, un péril à affronter : καλὸς κίνδυνος ! dirait Platon ; mais n’est-ce point ce péril qui fait le prix de l’amour ?

Avec l’idée imparfaite qu’ils avaient de la volonté humaine, les stoïciens ne pouvaient concevoir l’immortalité personnelle. Comment l’homme, réduit par Épictète au rôle de simple spectateur du monde, pourrait-il survivre, une fois le spectacle fini ? Comment, la lumière disparue, l’œil ne s’éteindrait-il pas ? Tout autre apparaîtra la destinée de l’homme, si on se le représente, non comme l’œil recevant passivement les clartés du dehors, mais comme un œil lumineux lui-même qui tirerait de soi son propre éclat, pour le répandre ensuite sur les choses. Concevoir, avec les stoïciens, la liberté comme une faculté d’abstention passive, c’était vraiment la rendre mortelle ; la concevoir comme essentiellement active et expansive, c’est la rendre par essence immortelle. Celui qui veut et peut le plus est celui sur lequel les choses pourront le moins.

On a souvent, depuis Pascal, reproché aux stoïciens, et en particulier à Épictète, d’avoir trop