affection, de « la retenir », et ainsi de la limiter, ils lui ont, en dernière analyse, prescrit l’égoïsme. Au fond, nous l’avons vu, rien de plus logique dans leur doctrine; tout système qui ramène et subordonne la volonté morale à l’intelligence aboutira nécessairement à cette conclusion où aboutirent les stoïciens : — Aimez en autrui la raison, et, comme la raison est universelle, ne vous attachez pas aux individus, dépassez-les, oubliez-les.
Il est un égoïsme de la raison comme il est un égoïsme des sens : le stoïcien craint de perdre sa paix intellectuelle comme l’épicurien peut craindre de perdre ses jouissances sensibles. « L’être animé est fait pour agir toujours en vue de lui-même, dit Épictète. C’est pour lui-même que le soleil fait tout, et Jupiter aussi[1]. » L’âme sage, nous a dit Marc-Aurèle, doit rayonner comme le soleil et éclairer tout le reste, répandant le plus de lumière possible, car c’est là sa nature; mais elle ne doit pas s’inquiéter de ceux qui la reçoivent ou la refusent, car cela ne dépend pas d’elle. Lumière froide et immobile, pourrait-on répondre, qui n’est point la vraie lumière ! Le rayon de soleil lui-même n’est-il donc pas en
- ↑ Entretiens, I, xix.