Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/275

Cette page a été validée par deux contributeurs.
201
EXTRAITS DE MARC-AURÈLE.

LX

Une araignée est fière quand elle a pris une mouche ; tel homme s’enorgueillit d’avoir pris un levraut, tel autre, des sardines au filet ; tel autre, des Sarmates. Ceux-ci ne sont-ils pas aussi des brigands si l’on examine bien les principes qui les guident ?

LXI

O nature, donne-moi ce que tu veux ; reprends-moi ce que tu veux !

LXII

La terre aime la pluie ; l’air divin aime aussi la pluie. Le monde aime à faire ce qui doit arriver. Je dis donc au monde : J’aime ce que tu aimes.

LXIII

Il n’est personne assez fortuné pour n’avoir pas, quand il meurt, quelqu’un près de lui qui se réjouisse du mal qui lui arrive. C’était un homme vertueux et sage, soit : n’y aura-t-il pas à sa dernière heure quelqu’un qui se dira en lui-même : « Enfin nous allons respirer, délivrés de ce pédant ; sans doute il ne faisait de mal à aucun de nous, mais je me suis aperçu qu’en secret il nous condamnait.» Voilà pour l’homme de bien. Quant à nous, combien de causes pour lesquelles plus d’un désire être délivré de nous ! C’est là la pensée qui doit te faire quitter plus volontiers la vie. Oui, songe en toi-même : je sors d’une vie où ceux qui la partageaient avec moi, pour qui j’avais tant travaillé, tant fait de vœux, pris tant de soucis, sont ceux-là mêmes qui désirent que je m’en aille, qui espèrent qu’il leur en adviendra quelque soulagement. Qu’y a-t-il donc qui puisse nous engager à rester ici plus longtemps ? Cependant ne te sépare pas d’eux moins bien disposé pour cela… prenons congé, comme quand on quitte des amis…