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EXTRAITS DE MARC-AURÈLE.

L

Souviens-toi que ce qui commande en toi devient inexpugnable, quand il se ramasse en lui-même, qu’il se contente de soi, ne faisant jamais que sa volonté. C’est là ce qui fait une citadelle d’une âme libre de passions.

LI

Ils tuent, ils massacrent, ils maudissent. Qu’y-a-t-il là qui empêche ton âme de rester pure, sage, modérée, juste ? C’est comme si un passant blasphémait contre une source d’eau limpide et douce : elle ne cesserait point pour cela de faire jaillir un breuvage salutaire ; y jetât-il de la boue, du fumier, elle aurait bientôt fait de le dissiper, de le laver ; jamais elle n’en serait souillée.

LII

Vois ce que c’est qu’un rayon, quand la lumière du soleil pénètre à nos yeux par une ouverture étroite dans un appartement obscur. Il s’allonge en ligne droite, puis s’applique, pour ainsi dire, contre le solide quelconque qui s’oppose à son passage et forme une barrière au devant de l’air qu’il pourrait éclairer plus loin ; là, il s’arrête, sans glisser, sans tomber. C’est ainsi que ton âme doit se verser, s’épancher au dehors. Jamais d’épuisement, mais seulement une extension ; point de violence, point d’abattement, quand des obstacles l’entravent ; qu’elle ne tombe pas, qu’elle s’arrête, qu’elle éclaire ce qui peut recevoir sa lumière : on se privera soi-même de cette lumière quand on négligera de s’en laisser pénétrer.

LIII

Les hommes sont faits les uns pour les autres ; corrige-les donc, ou supporte-les.

LIV

Ce n’est pas dans ce qu’il éprouve, mais dans ce qu’il