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EXTRAITS DE MARC-AURÈLE[1].


I

Couvre-toi d’ignominie, oui, couvre-toi d’ignominie, ô mon âme ! Tu n’auras plus le temps de t’honorer. Pour les hommes, la vie est fugitive ; mais la tienne touche presque à son terme, et tu n’as de toi aucun respect, car c’est dans les âmes des autres que tu places ta sécurité !…

II

Règle chacune de tes actions et de tes pensées sur cette réflexion : il est possible que je sorte à l’instant de cette vie. Or, t’en aller d’au milieu des hommes, s’il y a des Dieux, n’a rien qui doive t’effrayer, car ils ne te jetteront pas dans le malheur ; si, au contraire, il n’y en a pas, ou s’ils ne prennent nul souci des choses humaines, que m’importe de vivre dans un monde vide de Dieux ou vide de Providence ? Mais il y a des Dieux, et qui prennent souci des choses humaines. Ils ont donné à l’homme un pouvoir efficace, qui peut le garantir de tomber dans les maux véritables. Il n’est pas de mal imaginable qu’ils n’y aient pourvu, en donnant à l’homme le pouvoir de n’y pas tomber… Ce n’est point par ignorance, ou, sinon par ignorance, ce n’est point pour n’avoir pu le prévenir ou le corriger, que la nature de l’univers aurait laissé subsister un désordre : non, n’attribuons ni à l’impuissance ni au défaut d’art une si étrange bévue, cette distribution indifférente des biens et des maux et aux hommes de bien et aux méchants, sans nul égard au mérite. Pour la mort et la vie,

  1. Nous empruntons ces extraits à la traduction de M. Pierron.