aies seul la jouissance de ta malpropreté. Mais, quand tu es dans une ville, vivre avec cette négligence et cette stupidité, de qui crois tu que ce soit le fait ? Si la nature t’avait confié un cheval, le laisserais-tu ainsi sans soins ? Regarde aujourd’hui ton corps comme un cheval qu’on l’a remis entre tes mains ; lave-le, essuie-le ; fais que personne ne s’en détourne, que personne ne s’en recule. Qu’est-ce qui ne se recule pas d’un homme sale, encore plus que d’un individu couvert d’ordures ? La puanteur dans ce dernier cas nous vient du dehors ; mais celle qui naît de notre incurie vient de nous ; elle ressemble à celle d’une charogne.
LXXIII
De l’attention.
Si tu te relâches un instant de ton attention sur toi-même, ne t’imagine pas que tu la retrouveras lorsque tu le voudras. Dis-toi au contraire que, par suite de ta faute d’aujourd’hui, tes affaires désormais seront forcément en plus mauvais état. Car d’abord, et c’est ce qu’il y a de plus triste, l’habitude nous vient de ne pas veiller sur nous-mêmes, puis l’habitude de différer d’y veiller, en remettant et reportant sans cesse à un autre jour d’être heureux, d’être vertueux, de vivre et de nous conduire conformément à la nature. S’il est utile de le remettre, il sera bien plus utile encore d’y renoncer complètement ; et, s’il n’est pas utile d’y renoncer, pourquoi ne pas continuer à veiller constamment sur soi ?
« Aujourd’hui je veux jouer ! » — Eh bien ! ne dois-tu pas le faire en veillant sur toi ? — « Je veux chanter. » — Qu’est-ce qui t’empêche de le faire en veillant sur toi ? Est-il dans notre vie une chose exceptionnelle à laquelle l’attention ne puisse s’étendre ? Est-il quoi que ce soit, dans la vie, qui gagne au défaut d’attention ? Le charpentier construit-il plus parfaitement en ne faisant pas attention ? Le pilote, en ne faisant pas attention, conduit-il plus sûrement ? Est-il quelqu’un des travaux les moins importants qui s’exécute mieux sans