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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

prendre un premier nœud, puis un second, puis un troisième ; et de cette façon le fruit forcera la nature, alors même que je ne le voudrais pas. Comment, en effet, un homme tout plein et tout rempli de ces sages principes ne sentirait-il pas sa force, et ne se porterait-il pas de lui-même aux actes pour lesquels elle est faite ?

Mais, à l’heure qu’il est, je n’ai pas cette force, crois-moi. Pourquoi donc veux-tu que je me fane avant le temps, comme tu t’es fané toi-même ?

LXXII

De la propreté.

Les Dieux, par leur nature, sont purs et sans tache ; autant donc l’homme se rapproche d’eux par la raison, autant il devra s’efforcer d’être pur et sans souillure. Il est impossible à son être de se trouver jamais complètement pur, avec les matériaux dont il est composé ; mais la raison, qui lui a été donnée, essaye du moins de le rendre pur dans la mesure du possible.

La première pureté, la plus noble, est celle de l’âme ; et réciproquement pour l’impureté. Or, les fonctions de l’âme sont de vouloir, de repousser, de désirer, de fuir, de se préparer, d’entreprendre, de donner son adhésion. Qu’est-ce donc qui nuit chez elle à ces fonctions, en la souillant et la rendant impure ? Rien autre chose que ses méchants jugements. L’impureté de l’âme, ce sont donc ses opinions défectueuses ; et le moyen de la purifier, c’est de lui faire des opinions telles qu’elle en doit avoir.

Il y a quelque chose de pareil à faire pour le corps à son tour, autant qu’il s’y prête… Quoi ! l’ouvrier qui travaille les métaux nettoiera le fer et aura des instruments faits pour cela ; toi-même, lorsque tu seras pour manger, tu laveras ton plat de bois, si tu n’es pas complètement sale et malpropre ; et tu ne laverais ni ne nettoierais ton corps ! — « Pourquoi le ferais-je ? » dis-tu. — Je te répondrai : « D’abord pour te conduire en homme ; puis, pour ne pas incommoder ceux qui se trouvent avec toi. » Va-t’en dans un désert, c’est là ta place. Il est bien juste que tu