Page:Manuel d’Épictète, trad. Guyau, 1875.djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

tières qui ont péri pour elle ; et, pour avoir la vraie liberté, celle qui est à l’abri de toute embûche et de tout péril, tu refuseras de rendre à Dieu ce qu’il t’a donné, lorsqu’il te le réclame !

LXVII

Ne s’oublier jamais.

Il est besoin de bien peu de chose pour tout détruire et pour tout perdre en toi : la moindre distraction y suffit. Le pilote, pour perdre son vaisseau, n’a pas besoin d’autant de préparatifs que pour le sauver ; pour peu qu’il le tourne contre le vent, tout est fini ; tout est fini, alors même qu’il ne l’a pas voulu, et qu’il n’a fait que penser à autre chose. Il en est de même ici : pour peu que tu t’oublies, c’en est fait de tout ce que tu as acquis jusque-là. Attention donc à tout ce qui se présente à toi : tiens-y l’œil ouvert. Ce que tu as à garder n’est pas de peu d’importance : c’est ta retenue, ta loyauté, ta fermeté, ton contentement, ton assurance, ta tranquillité, ta liberté en un mot. Combien voudrais-tu vendre toutes ces choses ? Vois ce qu’elles valent. « Jamais, dis-tu, en échange d’elles, je n’obtiendrai rien qui les vaille. A moi donc la sagesse ; à un tel le tribunat ! A lui le consulat ; à moi la retenue ! »

LXVIII

Contre les gens querelleurs et méchants[1]. — La marque des monnaies et la marque des hommes. — La ville forte.

Le Sage ne se querelle jamais avec personne. Est-ce qu’il ne s’attend pas toujours, de la part des méchants à des choses plus fâcheuses et plus tristes que ce qui lui arrive ? Est-ce qu’il ne regarde pas comme autant de gagné tout ce qui manque au malheur complet ? « Un tel t’a injurié, (dit-il), sache-lui gré de ne pas t’avoir frappé.

  1. V. Manuel, ch. XLII.