pas s’y trouver conforme. Je veux, par exemple, faire un voyage sur mer ; mais je prévois les empêchements qui pourront se présenter, et j’y consens. Je veux être préteur, mais je le veux sous réserves, si rien ne m’en empêche[1]. Par là, je m’efforce de faire entrer dans ma volonté même l’obstacle qui l’eût arrêtée ; je prévois l’imprévu, et je l’accepte. « Ainsi, dira Marc-Aurèle, ma pensée change, transforme en ce que j’avais dessein de faire cela même qui entrave mon action[2]. »
- ↑ V. Sénèque, de Benef., IV, c. 34 ; de Tranquill., c. 13.
- ↑ Marc-Aurèle, V, xx.
qui est le propre de l’homme. L’idée de penchant et d’inclination
implique l’idée de fatalité : or, Épictète place précisément
l’ὁρμή au nombre des choses qui dépendent uniquement
de notre volonté ; sans cesse il répète qu’elle est
absolument libre, et que rien ne peut triompher d’elle si
ce n’est elle-même : (IV, i). Enfin, il la confond si peu avec
le penchant et l’instinct, qu’il va jusqu’à l’attribuer à
Dieu : τὰς ὁρμὰς τοῦ θεοῦ. (Entret., IV, i, 100).
Par un excès tout contraire à celui dont nous venons de
parler, M. Fr. Thurot, dans sa savante traduction du Manuel,
rend ὁρμή par détermination. N’est-ce point supprimer la distinction
entre la προαίρεσις et l’ὁρμή entre la décision ou
choix de l’intelligence et l’élan de la volonté vers l’objet
choisi. — En réalité, l’ὁρμή n’est ni un penchant de la
sensibilité ni une détermination de l’intelligence, c’est un
acte de la volonté, c’est un vouloir ; ce vouloir a pour
objet le convenable, comme l’ὄρεξις a pour objet l’utile, comme
la συγκατάθεσις a pour objet le vrai ou le rationnel
(Entretiens, III, ii).