Tout spontané qu’est notre élan, il peut rencontrer au dehors des obstacles ; par quelle adresse le stoïcien tournera-t-il ces obstacles au profit de la liberté même ? — Ici se place la curieuse théorie de « l’exception, ὑπεξαίρεσις. » Lorsque nous nous portons vers quelque objet extérieur, disent Épictète et Sénèque, lorsque nous nous attendons à quelque événement, il faut d’avance retrancher, « excepter » de notre attente tout ce qui, dans l’événement attendu, pourra ne
volontaire, les Stoïciens ont un terme particulier : ὁρμή.
L’ὁρμή ou l’ἁφορμή expriment un mouvement d’élan ou de
recul par lequel la volonté s’approche ou se retire des
objets extérieurs, et qui n’a pas sa source en ces objets,
mais dans la raison. Tandis que le désir avait pour fin l’agréable
ou l’utile, l’élan volontaire a pour fin le convenable,
τὸ καθῆκον. Celui qui a apaisé en lui les désirs et les aversions
s’est par là même arraché au trouble et au malheur ;
celui qui se sert selon la raison de l’activité volontaire fait
davantage : il remplit son devoir et sa fonction d’homme.
« La seconde partie de la philosophie, dit Épictète, concerne
l’ὁρμή et l’ἁφορμή, ou en un seul mot le convenable :
elle a pour but de régler l’ὁρμή selon l’ordre et la raison,
avec le secours de l’attention. » (Entretiens, III, ii.)
Le sens précis de l’ὁρμή et de l’ἁφορμή stoïcienne, que
Cicéron traduit par consilia et agendi et non agendi, n’a
pas toujours été compris. Les anciens traducteurs d’Épictète
rendent ὁρμή par le mot penchant, inclination. Ritter
(Hist. de la phil. anc., t. IV) et M. Ravaisson
(Essai sur la met. d’Arist., t. II, p. 268) traduisent également ce terme
par celui de penchant. C’est là, semble-t-il, confondre l’ὁρμή ἄλογος,
qui est le propre des animaux, avec l’ὁρμή εὔλογος,