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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

question : « Peux-tu me dire à qui tu as confié tes chevaux ? — Moi ! — Au premier venu, sans connaissance de l’équitation ? — Nullement. — Eh bien ! à qui as-tu confié ton argent, ton or, tes vêtements ? — Je ne les ai pas non plus confiés au premier venu. — Et ton corps, as-tu bien examiné à qui tu en confierais le soin ? — Comment non ? — Évidemment encore à quelqu’un qui se connût aux exercices du gymnase et à la médecine ? — Parfaitement. — Est-ce donc là ce que tu as de meilleur ? Ou n’as-tu pas quelque chose qui vaille mieux encore ? — De quoi parles-tu ? — De ce qui use de tout cela, par Jupiter ! de ce qui juge chacune de ces choses et qui en délibère. — Tu veux parler de l’âme ? — Tu m’as compris ; c’est d’elle que je parle. — Par Jupiter ! je crois avoir là une chose qui vaut beaucoup mieux que toutes les autres. — Peux-tu donc nous dire comment tu prends soin de ton âme ? Car il n’est pas probable que toi, qui es un homme de sens, si considéré dans la ville, tu ailles, sans réflexion, abandonner au hasard ce qu’il y a de meilleur en toi, que tu le négliges et le laisses dépérir ? — Pas du tout. — En prends-tu donc soin toi-même ? Et alors est-ce d’après les leçons de quelqu’un, ou d’après tes propres idées ? » Il y a grand péril à ce moment que cet homme ne te dise tout d’abord : « De quoi te mêles-tu, mon cher ? Est-ce que tu es mon juge ? » Puis, si tu ne cesses pas de l’ennuyer, il est à craindre qu’il ne lève le poing et ne te frappe. Moi aussi, jadis, j’ai eu le goût de ces interrogations ; mais c’était avant de rencontrer cet accueil.

XXXVII

De l’inquiétude.

Lorsque tu vois un homme au visage fatigué, sois comme le médecin, qui dit d’après le teint : « Un tel est malade de la rate, et un tel du foie. » Dis, toi aussi : Le désir et l’aversion sont malades chez lui ; ils ne vont pas bien ; ils sont en feu. » Il n’y a jamais que cela en