rôle d’hommes, nous nous chargeons encore de celui de philosophes : c’est faire comme quelqu’un qui ne pourrait soulever dix livres, et qui voudrait porter la pierre d’Ajax.
XXXIV
Comment de nos différents titres on peut déduire nos différents
devoirs.
Examine qui tu es. Avant tout, un homme, c’est-à-dire un être chez qui rien ne prime le libre-arbitre. En plus, tu es citoyen du monde, dont tu es une partie ; et non pas une des parties destinées à servir, mais une partie destinée à commander ; car tu peux comprendre le gouvernement de Dieu, et te rendre compte de l’enchaînement des choses. Quel est donc le devoir du citoyen ? De ne jamais considérer son intérêt particulier ; de ne jamais calculer comme s’il était un individu isolé. C’est ainsi que le pied ou la main, s’ils pouvaient réfléchir et se rendre compte de la construction du corps, ne voudraient ou ne désireraient jamais rien qu’en le rapportant à l’ensemble. Aussi les philosophes ont-ils raison de dire que, si l’homme de bien prévoyait l’avenir, il coopérerait lui-même à ses maladies, à sa mort, à sa mutilation, parce qu’il se dirait que ce sont là les lots qui lui reviennent dans la distribution de l’ensemble, et que le tout est plus important que la partie, l’état que le citoyen.
Rappelle-toi après cela que tu es fils et frère. Quels sont les devoirs de ces rôles ?
Après cela, si tu es sénateur dans une ville, songe que tu es sénateur ; si jeune homme, que tu es jeune homme ; si vieillard, que tu es vieillard ; si père, que tu es père[1]. Car chacun de ces noms, chaque fois qu’il se présente à notre pensée, nous rappelle sommairement les actes qui sont en rapport avec lui. Si tu vas dehors blâmer ton frère, je te dirai : « Tu as oublié qui tu es, et quel est ton nom. » Si, forgeron, tu te servais mal de ton marteau, c’est que tu aurais oublié ton métier de forgeron. Eh bien ! si tu ou-
- ↑ V. le Manuel, xxx.