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EXTRAITS DES ENTRETIENS D’ÉPICTÈTE.

XXVI

Que faut-il avoir présent à l’esprit dans les circonstances difficiles ?

Lorsque tu vas trouver quelqu’un de tes supérieurs, rappelle-toi qu’il en est un autre qui considère d’en haut ce qui se passe, et à qui il te faut plaire plutôt qu’à celui-là[1]. Ce maître d’en haut te pose cette question : Dans l’école, que disais-tu de l’exil, de la prison, des fers, de la mort, et de l’obscurité ? — Moi ? que ce sont des choses indifférentes. — Et maintenant qu’est-ce que tu en dis ? Ont-elles changé ? — Non. — Es-tu changé, toi ? — Non. – Dis-nous donc ce qui vous semblait être des biens. — Juger et vouloir comme on le doit ; et user de même des représentations. – En fin de quoi ? — Afin de t’obéir. — Est-ce là encore ce que tu dis aujourd’hui ? — C’est ce que je dis aujourd’hui. — Va donc et entre sans crainte, en te souvenant de tout cela ; et tu verras ce qu’est au milieu des gens qui n’ont pas étudié un jeune homme qui a étudié comme on le doit.

Moi, pour ma part, je m’imagine que voici l’impression que tu y éprouveras : — « Pourquoi donc nous préparer si sérieusement et si longtemps contre ce qui n’est rien ? Voilà ce qu’est la puissance ! Voilà ce qu’est une antichambre ! Voilà ce que sont les valets de chambre et les gardes ! C’est pour cela que j’ai écouté tant de discours ? Tout cela n’est rien, et je me suis préparé contre tout cela comme si c’était beaucoup ! »

XXVII

Être à la fois plein d’assurance et de précaution. — L’affranchissement civil et l’affranchissement moral.

Dans tout ce qui ne relève pas de ton libre arbitre, sois plein d’assurance ; mais dans tout ce qui en relève, tiens-toi sur tes gardes. Car, si le mal est dans un jugement ou dans une volonté coupables, c’est contre ce jugement et cette volonté seuls qu’il faut se tenir en garde ; et si

  1. V. Manuel, XXXIII, xii, xiii.