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MANUEL D’ÉPICTÈTE.

Déjà donc juge-toi digne de vivre comme un homme fait et qui avance dans la sagesse : que tout ce qui te paraît le meilleur soit pour toi une loi inviolable. S’offre-t-il quelque labeur ou quelque plaisir, la gloire ou l’infamie ? souviens-toi que c’est maintenant le combat, que voici les jeux Olympiques, et qu’il n’est plus permis de reculer : en un seul jour et en une seule affaire, ta sagesse naissante est perdue ou sauvée.

C’est ainsi que Socrate devint parfait, ne s’attachant à rien, dans toutes les choses qui s’offraient, qu’à la raison. Et toi, bien que tu ne sois pas encore Socrate, tu dois pourtant vivre comme quelqu’un qui veut le devenir.


LII

les trois parties de la philosophie.


La première et la plus nécessaire partie de la philosophie est celle qui traite de la mise en pratique des théories : par exemple, ne point mentir[1]. La seconde, celle qui contient les démonstrations : par exemple, par quel principe on démontre qu’il ne faut pas mentir[2]. La troisième, celle qui confirme et ex-

    victuri sunt ; omnia differunt. » — Et le poëte stoïcien Perse : « — Je le ferai demain, dites-vous ? — Vous ferez demain comme aujourd’hui. — Quoi ! c’est un grand don pour toi que de m’accorder un jour ? — Mais quand, ce jour passé, l’autre aurore viendra, déjà nous aurons consumé demain devenu hier ; et voilà qu’un autre demain poussera devant lui nos années, sans que nous puissions jamais l’atteindre :

    Jam cras hesternum consumpsimus, aliud cras
    Egerit hos annos, et semper paulum erit ultra.

  1. La morale pratique, qui déduit des théorèmes moraux les règles de la conduite.
  2. La morale théorique, qui, selon le stoïcisme, se confond dans ses principes avec la métaphysique et la physique.