choses avec convenance et justice : que toi-même, tu as été créé pour leur obéir, pour accepter tout ce qui arrive, pour t’y conformer volontairement, comme à l’œuvre d’une intelligence très-bonne. De cette manière tu ne te plaindras jamais des dieux, et tu ne les accuseras jamais de te négliger.
II Or, tu ne peux devenir tel, que si tu enlèves le bien et le mal des choses qui ne dépendent pas de nous, pour le placer dans celles-là seules qui dépendent de nous. En effet, si tu prends pour bonne ou pour mauvaise quelqu’une des choses étrangères, il est de toute nécessité que, lorsque tu te verras privé de celles que tu désires, ou tombé dans celles que tu crains, tu accuses et haïsses les auteurs de ces choses.
III. Tout être vivant, en effet, est né pour fuir et éviter les choses qui lui semblent nuisibles, et leurs causes ; pour aimer et admirer celles qui lui semblent utiles, et leurs causes. Aussi ne se peut-il faire qu’un homme qui croit avoir souffert quelque dommage, aime ce qui lui semble causer ce dommage ; de même qu’il est impossible qu’il se réjouisse du dommage même[1].
- ↑ Ce passage renferme une conception originale. L’idée d’un bien moral comme supérieur aux biens et aux maux physiques est indispensable à la vraie piété. L’homme moral peut seul aimer Dieu, car seul il peut s’expliquer et justifier le monde : si le bien moral n’existait pas, que de mal il y aurait dans l’univers !
raient dire aux hommes ce qu’ils disent aux dieux ! « Et Perse : « On embarrasserait bien nos gens si on les forçait à publier leurs vœux, aperto vivere voto. Sagesse, honneur, vertu, voilà ce qu’on demande tout haut, pour être entendu du voisin ; mais voici la prière qu’on fait en dedans et qu’on murmure entre ses lèvres : Oh ! s’il m’était donné de voir le magnifique convoi funèbre de mon oncle !… Si mon pupille, dont je suis le plus proche héritier, et que je serre de près, pouvait recevoir son congé ! Car enfin ce serait un bonheur pour lui : il a des ulcères, la bile l’étouffe et le ronge… Ô âmes courbées vers la terre, et vides des choses du ciel ! (O curvæ in terras animæ et cælestium inanes !) Pourquoi porter dans les temples de telles pensées, et juger ce qui semble bon aux dieux d’après votre chair corrompue ? » (Satires, II, 7, 44.)