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la nuit, « où passent de rapides frissons, des frissons d’ailes, — les ailes d’un oiseau blessé qui palpite, s’arrête et recommence à frémir ».

À la fin de 1917, quelques mois avant de publier Prélude, elle avait eu à Londres une grave pleurésie. Elle passa l’hiver dans le Midi et rentra à Paris le 23 mars 1918 : c’était le premier jour de la « grosse Bertha ». Il n’y avait plus de transports civils pour l’Angleterre. La malchance s’en mélait. La tuberculose se déclara. Ses dernières années se passèrent à chercher en vain la santé en Suisse ou sur la côte de la Méditerranée.

Elle était désormais célèbre. Mourante, de Sierre à Menton, elle traînait d’asile en asile sa fièvre assaillie de songes et achevait, entre l’ullusion et le découragement, le rêve de la vie. Elle écrivait toujours, avec de grands dégoûts, ces petits contes qui la pressatent comme d’exquises mélodies. Élle était comme le petit oiseau de la légende russe, qui se dépêchait de chanter de petites chansons, parce qu’il en savait beaucoup et qu’il voulait les chanter toutes.

Enfin, dans son dernier été, elle se retira dans une vieille maison à Fontainebleau. Elle n’écrivait plus, mais rêvait toujours d’écrire. Guérie de la « manie de vivre », elle ne tenait plus au monde que pour donner le souffle aux enfants de son cœur. Son agonie se mêlait au déclin de l’année, aux rousseurs de l’automne sur le penchant des collines et des bois. Une hémorragie l’emporta avec la dernière feuille, le 9 janvier 1924.

Elle repose au petit cimetière d’Avon, au bord de la vieille forêt qui conseille à nos inquiétudes la paix, l’acquiescement, l’abandon. Elle repose, relique charmante de l’Angleterre, confiée à la terre française, qui garde aussi dans son sein la cendre fraternelle. Que sur l’arbre voisin l’oiseau fasse sa musique et lui chante pour l’endormir ses petits airs inachevés !

Louis Gillet.