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PRÉFACE

Elle venait de Nouvelle-Zélande, où les siens s’étaient établis avec les premiers chercheurs d’or, vers la moitié du siècle dernier. Ils vivaient à Karori, à quelques milles de Wellington, la capitale du pays. C’est là que Cathleen Beauchamp — tel est son véritable nom, où je me plais à reconnaître une lointaine ascendance française — passQ, avec quatre frères et sœurs, les premières années de sa vie. Elle était déjà une fillette de treize ans, lorsque sa famille, en 1901, l’envoya achever son éducation à Londres, à peu près comme, au temps de Paul et Virginie, les filles créoles venaient se former aux belles manières de Saint-Cyr. Miss Cathleen n’était donc qu’une Anglaise d’adoption, mais elle ne fut pas Anglaise à demi. Sur cette âme neuve et ardente les nouvelles modes littéraires prirent comme une grippe. La jeune fille s’éprit d’un beau feu pour l’école décadente. C’était le moment où l’Angleterre était en train de rejeter ce qu’il y avait de bourgeois et de convenu dans les goûts de l’ère « victorienne ». Whistler et Oscar Wilde étaient les lions du jour. On admirait le goût pervers, érotique et quintessencié d’Aubrey Beardsley ; c’était la réaction que nous avions eue un peu plus tôt contre le « Second Empire ». La gloire de Stevenson et de Lafcadio Hearn commençait, et le public se mettait à lire les premiers romans de Conrad. C’est à cette heure un peu inquiète, excentrique et charmante que la jeune fille découvrit le monde littéraire ; sa naissance spirituelle date de ces années : elle crut toujours qu’il n’y a pas pour l’art de plus haut objet que la beauté. Mans la musique la touchait plus encore que la poésie : elle acquit, m’écrit