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notre race qui devait se multiplier pour les peuples. L’avenir a transformé cette espérance.

Sous l’égide de la France, de riches moissons couvrent le sol de l’Afrique ; mais les Français ne sont pas en nombre. Les Berbères avaient reçu l’empreinte romaine, mais l’Islam est venu, qui l’a effacée et les a marqués de son sceau indélébile. La France aura chez eux des protégés soumis et de braves soldats, elle ne peut compter sur leur dévouement. Ils évolueront dans le sillage de l’Islam, non dans celui de notre civilisation.

Il faut regarder plus loin, par delà le Sahara, vers le monde noir, celui des primitifs nets de toute marque, prêts pour la nôtre. Ils sont 20 millions d’hommes ils doublent à chaque génération. Au milieu du siècle, ils seront 50 millions ; là est l’avenir[1].

  1. C’est ce qu’exprimait si vivement et si justement un des plus grands économistes de la France (M. Leroy-Beaulieu) après avoir fait ressortir la situation dans le monde entier des Slaves, des Anglo-Saxons et des Allemands : « La colonisation est pour la France une question de vie ou de mort. Ou la France deviendra une grande puissance africaine, ou elle ne sera dans un siècle ou deux qu’une puissance européenne secondaire : elle comptera dans le monde à peu près autant que la Grèce ou la Roumanie comptent en Europe. Nous ambitionnons pour notre patrie des destinées plus hautes. Que la France devienne une nation colonisatrice, alors s’ouvriraient devant elles les longs espoirs et les vaste pensées.
    « Avec nos efforts au Soudan, l’avenir nous paiera largement de nos peines, et dans quelques années se trouvera réalisée la prédiction d’Élisée Reclus : « Longtemps on nous a jeté le nom de Sénégal à la face. Mais ce vieux témoin de notre impuissance en Afrique, ce pays décrié, fournaise et marais, est à la veille de s’étendre au loin vers l’Orient. Riez : pauvre comptoir, il sera demain vaste empire. Après l’Algérie, nous n’avons rien qui soit aussi digne de la France. » La France dans l’Afrique.