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L’organisation des troupes noires, c’est la civilisation de l’Afrique régénérée, c’est le couronnement de notre œuvre. Quand une nation a commencé à écrire un tel chapitre dans l’histoire de l’humanité, elle a le devoir de l’achever ; elle a le droit d’appeler à sa défense tous ses enfants, même ses enfants adoptifs, sans distinction de race. Elle écoute les accusations de barbarie en souriant, sans même lever les épaules.


En 1868, Prévost-Paradol écrivait : « La France approche de l’épreuve la plus redoutable qu’elle ait encore traversée… la France et la Prusse ont été de loin lancées, pour ainsi dire, l’une contre l’autre, à peu près comme deux convois de chemin de fer qui, partant de points opposés et éloignés, seraient placés sur la même voie par une erreur funeste. Après de longs détours, moins longs pourtant qu’on ne pensait, ces deux trains sont en vue l’un de l’autre. Hélas ! ils ne sont pas seulement chargés de richesses ; bien des cœurs battent qui ne sont animés d’aucune colère et qui ne sentent que la douceur de vivre ; combien ce sang qui va couler coûtera-t-il de larmes ! Personne ne veut ce choc terrible. On s’écrie, on s’empresse, la vapeur est renversée, les freins grincent à se briser ; effort inutile, l’impulsion vient de trop loin… » Il s’élevait contre les optimistes de l’époque, qui se consolaient de la déchéance prochaine en répétant que « du moins l’on n’envahira pas la France. Qui n’a souvent entendu cette naïve parole comme le dernier et le plus fort argument de ceux qui veulent à tout prix ne pas s’alarmer de l’état nouveau de l’Europe ».