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qui n’en aurait que quatre. » Et M. Hanotaux, à propos des troupes noires, répète le mot du cardinal Lavigerie : « Nous ne civiliserons l’Afrique que par les Africains. » — Car c’est bien une œuvre de civilisation que nous avons poursuivie depuis plus d’un demi-siècle avec une ténacité capable de faire réfléchir ceux qui désespèrent de l’avenir de notre pays.

Sans doute, nous avons été parfois entrainés par cette impossibilité pour une nation européenne de garder une frontière avec des peuplades à demi sauvages, par cette loi rappelée dernièrement encore par lord Cromer[1] dans son « Impérialisme ancien et moderne », qui veut que tout peuple ayant pris pied sur un continent barbare aille jusqu’à la mer ou jusqu’aux frontières d’un autre peuple civilisé ; parfois le gouvernement central essaie d’arrêter la pénétration, mais il se trouve dans la situation d’un homme qui voudrait maintenir une lourde masse sphérique sur une pente rapide : il faut déployer beaucoup plus d’efforts pour enrayer le mouvement en avant que pour le diriger. Mais dans notre Afrique noire, le mouvement n’a jamais été livré aux cahots du hasard, une volonté supérieure et agissante l’a toujours conduit.

  1. Maspéro avait déjà dit :
    « C’est en vain que les États policés prétendent demeurer en paix avec les nations barbares auxquelles ils touchent. Sitôt qu’ils ont décidé d’enrayer leurs progrès et de s’imposer des bornes qu’ils ne dépasseront plus, leur modération prend couleur de faiblesse ou d’impuissance, les vaincus reviennent à l’assaut et ramènent la civilisation en arrière ou l’obligent à marcher outre. Les Pharaons n’échappèrent pas à cette fatalité de la conquête… » Histoire ancienne des Peuples de l’Orient classique, t. I, p. 490 (le premier Empire thébain).