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qui ont entamé sa puissance, il a suffi de 180 tirailleurs sénégalais pour détruire l’empire arabe du Ouaddaï.

Ce n’est pas tout : le 28 août 1898, deux bateaux à vapeur, remorquant de nombreux chalands et dehabiehs, ont amené 2 000 derviches sous les murs de Fachoda, défendus par 99 tirailleurs de la mission Marchand. Ils furent repoussés avec des pertes énormes par cette petite troupe qui essuya avec sang-froid le feu de leur canon, étonnée seulement que l’affaire en restât là, désolée de ne pouvoir poursuivre l’adversaire qui fuyait à toute vapeur.

Ce petit combat, qui nous avait paru bien simple, avait eu dans ces régions, autrefois pourtant secouées par de grandes luttes, un immense retentissement. Un officier de la mission Marchand, envoyé par terre pour assurer la jonction avec l’Abyssinie, traversa le territoire des Arabes Beni Chongoul, qui venaient d’être soumis par l’armée du ras Makonen. Malgré l’attitude sournoisement hostile du pays, il constata que le succès du 25 août avait entouré le nom français d’un tel prestige qu’il put renvoyer la plus grande partie de sa faible escorte et poursuivre sa route avec dix tirailleurs seulement.

C’est avec un certain respect que les vainqueurs d’Adoua, qui sont des Sémites, cousins des Arabes et des Israélites, virent passer l’escorte de la mission Marchand ; ils venaient de loin pour voir les soldats qui avaient « marché trois ans sans s’arrêter ». Et l’impression sur les Arabes somalis fut également excellente ; ces pillards incorrigibles, qui venaient de massacrer des ouvriers italiens de la ligne du chemin de fer en construction, sont tranquilles