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d’abord pour la pacification des territoires encore barbares, puis, s’il en est besoin, et après épreuve sérieuse, pour élargir le réservoir de la Force Noire, actuellement suffisant pour tous les besoins. La carte d’Afrique témoigne de la valeur militaire de nos contingents indigènes, dont nous avons su tirer des troupes régulières égales aux meilleures. Des territoires plus vastes que l’Europe ne pourraient être gardés par des effectifs aussi insignifiants si chaque unité ne gardait pas, malgré l’éloignement et le morcellement, une cohésion intime, un solide lien militaire, en un mot une sévère discipline.

Ce sont bien des troupes nationales que forment nos Africains français, encadrés par des officiers et des sous-officiers français. Bronzés ou noirs, leurs éléments sont tirés d’un sol français. Dès lors, comment parler d’un appel aux « mercenaires », en évoquant le souvenir de Carthage ou de Byzance, qui durent d’ailleurs une très longue existence aux troupes étrangères dont elles achetaient les services, avec ceux de leurs chefs étrangers[1] ? On peut les comparer, non pas aux troupes auxiliaires de Rome, qui ont gardé longtemps leurs chefs nationaux, mais aux véritables légions, dont, faute de Romains, les habitants des provinces lointaines venaient remplir les rangs, et c’est la légion romaine qui a civilisé le monde après l’avoir conquis.

  1. Troupe mercenaire : Troupe étrangère dont on achète les services (Dictionnaire Littré). Les dernières troupes mercenaires de la France ont été les deux régiments suisses supprimés en 1830. Mats l’armée de l’ancien régime, qui a fait l’unité nationale, comptait beaucoup de régiments étrangers, comme toutes les armées de l’Europe. L’armée du premier Empire également. Voir Flévée, Troupes étrangères au service de la France.